Les Violences urbaines françaises
Mise à jour: 09/07/2023
Emeute à Nanterre suite au décès d'un jeune de 17 ans - 29/06/2023
Les violences dans les villes sont toujours d'actualités, comme fin juin et début juillet 2023, dans plusieurs villes de France, suite au décès d'un jeune de 17 ans lors d'une intervention policière suite à un refus d'obtempérer. De nombreux bâtiments publics comme des Mairies, des Commissariats municipaux, ainsi que des centres commerciaux ont été incendiés.
VBP CENTAURE de la Gendarmerie intervenant lors des émeutes le 30/06/23
De nombreux blindés d'unités spéciales de la Police et de la Gendarmerie ont été déployés pour permettre des progressions face au risque de mortiers d'artifice lancés dans leur direction ou de tirs d'armes à feu.
Assaut par une quarantaine d'individus avec des mortiers d'artifice
du Commissariat de Champigny sur Marne - 10/10/2020
Ce genre d'attaques est devenu la norme, car depuis de nombreuses années, ceux-ci se reproduisent, comme ici à Champigny sur Marne, dans la nuit du 10 au 11 octobre 2020, où une quarantaine d'individus cagoulés s'en sont pris en attaquant le commissariat de la ville, à coups de mortier d'artifice...Vidéo de cette attaque
Voitures incendiées proche du Commissariat de Champigny sur Marne en mai 2018
Ce commissariat avait déjà fait l'objet de trois attaques depuis 2018.Pour faire face à ce genre de phénomène, une Force d'Appui Rapide
composée de cinq compagnies de CRS a été créée pour faire face aux troubles les plus
graves et sur des violences urbaines. Ceci afin de répondre à des évènements
violents, comme au printemps 2020 à Dijon, avec une confrontation entre
individus d'un quartier et tchètchènes ou à Nanterre et Villeneuve la Garenne, après un
accident d'un motard impliquant une voiture de police.
Membres de la CRS 8 dans leur cantonnement de Bièvre dans l'Essonne
La première des unités (CRS 8) de cette Force d'Appui Rapide (FAR) est composée de 200 CRS divisée en deux groupes qui se relaient de semaine en semaine. Elles sont ainsi mobilisables en 15 minutes, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, dans un périmètre de 300 kilomètres.
CRS 8 déployée à Limoges en aout 2022 suite à des heurts dans un quartier
Ils
sont formés et équipés de moyens spéciaux avec un nouvel uniforme
anti-feu et anti-acide, casque plus léger, des petits véhicules, ainsi
que des 4X4 rapides pouvant franchir des barricades...
Bobigny - 11 février 2017
Depuis plus de 40 ans, les violences urbaines
reviennent régulièrement au devant de la scène. Il ne faut pas les confondre
avec les violences dans les manifestations.
Controle par des gendarmes mobiles
Souvent situées dans des quartiers
dits « sensibles », elles sont déclenchées lors de contrôles policiers.
Bobigny - 11 février 2017
Mais quelles sont leurs
raisons ? Actes de violence et de
vandalisme gratuits ou cri de rage et de colère d’une jeunesse se sentant
rejetée par la société ?
La relation tendue entre
policiers et « jeunes » revient à chaque fois : Pour la Police,
c’est permettre de tenir le terrain, montrer une présence, faire avancer des
enquêtes, assurer la tranquillité publique…
Pour ceux contrôlés, c’est des
contrôles à répétition, stigmatisant, au faciès, avec des propos insultants,
très souvent par des policiers blancs.
Villiers le Bel le 25/11/2007
Cette relation dégénère
suite à :
- un accident mortel entre
la police et des fuyards comme à Villiers le Bel le 25/11/2007,
Aulnay sous Bois le 02/02/2017
- une arrestation comme à Aulnay sous Bois avec « Théo » le 02/02/2017,
Trappes, le 18/07/2013
- un contrôle d’identité
comme à Trappes d’une femme voilée effectué en présence de son mari le
18/07/2013,
Les Minguettes le 23/07/1981
- une arrestation de
suspects comme aux Minguettes le 23/07/1981,
Beaumont sur Oise, le 19/07/2016
- le décès d’un jeune
adulte comme à Beaumont sur Oise avec « Adama Traoré », le 19/07/2016
Clichy sous bois le 27/10/2005
- de décès d’adolescents comme à Clichy sous bois avec « Zyed » et « Bouna » le 27/10/2005
Nantes le 05/07/18
- ou un homme tué par un policier durant un contrôle de police à Nantes le 04/07/2018
Nantes le 05/07/18
- ou un homme tué par un policier durant un contrôle de police à Nantes le 04/07/2018
les Minguettes - 1983
Vous
pouvez lire ci-dessous retranscris l’émission radio « Histoires d'info » de
Thomas Snégaroff du 13 février 2017 sur France Info sur "Comment on parlait
déjà des violences urbaines il y a 35 ans" :
Les premières
grandes émeutes urbaines ont lieu en juillet 1981 aux Minguettes à Vénissieux,
près de Lyon. L'occasion de se pencher sur le traitement médiatique de ce type
d'actualité :
Le
traitement médiatique des émeutes urbaines à l'aube des années 80 était quelque
peu différent. Nous sommes au mois de juillet 1981. Ce n’est pas la banlieue
parisienne qui a connu les premières grandes émeutes mais la banlieue
lyonnaise. En 1979, Vaulx-en-Velin avait connu de graves échauffourées, elles
sont plus graves encore aux Minguettes à Venissieux deux ans plus tard.
Jacques
Thévenin, présentateur du journal de France Inter, le 23 juillet 1981 : "Le
quartier des Minguettes a connu une nouvelle nuit de violences. Une véritable
mini-émeute a opposé quelques 150 habitants de la cité, pour la plupart des
jeunes maghrébins à des policiers qui venaient arrêter trois cambrioleurs. A
Vénissieux, c’est la goutte qui fait déborder le vase car ce genre d’incident
se multiplie depuis 2 semaines : incendies, vols de voitures, jets de
pierres, saccages de magasins. Le racisme s'en mêle. Le taux de maghrébins est
tel que beaucoup d'habitants s'en vont."
les Minguettes - 1983
Et
dans la foulée, TF1 se rend aux Minguettes pour comprendre ce qui se joue dans
la cité, une cité qui a "inventé" les voitures brûlées. La parole est
d’abord donnée aux vieux joueurs de boules du quartier. Des propos sans filtre
:
Reporter: "Vous habitez la cité Monsieur ? Qu'est ce que vous pensez des jeunes ici ?"
Personne interviewée: "Des cons..."
Reporter: "Pourquoi ?"
Personne interviewée: " il y a trop de bougnoules dans le quartier. Ils volent tout. Ils sont là que pour piller les caves. Je vous le dis carrément en face. Vous pouvez filmer. C'est vrai."
Reporter: "Vous habitez la cité Monsieur ? Qu'est ce que vous pensez des jeunes ici ?"
Personne interviewée: "Des cons..."
Reporter: "Pourquoi ?"
Personne interviewée: " il y a trop de bougnoules dans le quartier. Ils volent tout. Ils sont là que pour piller les caves. Je vous le dis carrément en face. Vous pouvez filmer. C'est vrai."
extrait d'un reportage de TF1
les Minguettes - 1981
Aujourd’hui,
sans doute certains le pensent encore, mais nous sommes à peu près persuadés
qu’on ne passerait plus de tels propos sur une grande chaîne, sinon pour se
moquer de ceux qui les profèrent, dans le style d’émission du type « Quotidien » ou « Le Petit Journal ». A l’époque, ce n’est pas du tout le cas,
ces propos ne choquent pas particulièrement, en tout cas, ils ne sont pas
diffusés pour choquer.
TF1
donne également la parole aux jeunes dans ce reportage, et là, ce sont des
propos qu’on entend encore largement aujourd’hui : "Les jeunes cassent,
d'accord, mais qu'est-ce qu'ils ont comme loisirs ici ? Ils ont rien. Il
faudrait aussi dire qu'il n'y a qu'une minorité qui cassent et on généralise
ici. On a souvent tendance à généraliser ici. les vieux plus tôt. Moi j’ai entendu autrefois, y’en a qui disaient : les attentats, ils jettent des
bouteilles sur nous, ils cassent nos jeux, Ce qu'ils disent, c'est pour nous
achever. Ils ne veulent pas comprendre les jeunes. Pour eux, c'est tous des
délinquants."
35
ans plus tard, les boulistes ont quitté les quartiers sensibles, mais reste un
même et inquiétant constat : celui d’une violence endémique et d’un dialogue de
sourds entre la jeunesse de ces quartiers et le reste de la société française.
Fin du reportage d’ « Histoire
d’info »
Contrôle d'identité dans un quartier dit "sensible".
Dans ce reportage de "France Info" du 02 juillet 2023, des jeunes s'expriment: ""Rien ne change" : à Guyancourt, des jeunes habitants racontent leurs relations avec la police et les discriminations qu'ils subissent au quotidien (...) Magasins saccagés, écoles et voitures brûlées… Depuis plusieurs nuits, les scènes de violences se multiplient dans le pays. Pour Elie, 20 ans, les auteurs de ces faits sont très jeunes, autour de 15 ans. "Ils ont grandi dans les quartiers. Ils voient très bien que les plus grands ont déjà vécu ces violences avec la police, que rien ne change", raconte cet habitant de Guyancourt.
Le RAID déployé à Nanterre le 28/06/2023
" On vient de la cité, ça ne sert à rien de prendre un micro et de parler. Il n'y a que comme ça qu'on peut se faire entendre. (...) J'entends toujours: "Retourne chez toi" de la part de la Police" (...)
"Certains policiers ont des problèmes avec certaines personnes : il y
a des têtes qu'ils n'aiment pas. Des Blancs, comme moi, ils ne vont pas
les contrôler… Je remarque qu'il y a davantage de contrôles sur les
gens de couleur"
Emeutes 2005
Pourquoi entend-t-on les mêmes
commentaires des médias et le même discours des jeunes, 40 ans plus tard, et
est-il identique dans d’autres villes d’Europe ?
Les politiques de la ville qui vont
se succéder vont réhabiliter les quartiers, voire les embellir, mais sans pour
autant apporter du travail aux jeunes de ces cités… Le terme de banlieue va
devenir même stigmatisant, ayant une connotation de relégation de seconde zone…
Tremblay
en France
Il faut remonter aux années 60 et 70
pour comprendre comment de grands ensembles urbains de grandes villes
françaises sont devenus une concentration de malaise, de rancœur et de mises à
l’écart de ses habitants :
La Commanderie à Nogent sur Oise
Un reportage intitulé
« Chronique de la violence Ordinaire » tourné entre 2003 et 2005
autour de la décomposition d’une cité à Nogent sur Oise montre comment cette
cité à l'orée
des années 1960, répondait à un besoin de logement, contemporain de l'essor
économique et social des trente glorieuses. 6 mois d’enquêtes, 2 ans de
tournages et 4 films réalisés.
Vidéo sur le début de ce reportage
Vidéo sur la suite et l'histoire de ce quartier
qui ressemble à tant d'autres...
Les problèmes depuis se
sont succédés. Les journalistes ont ainsi analysé les raisons et les
conséquences de ces crises économiques, sociales et républicaines. Les
mécanismes de la violence et de la désintégration du lien social y sont analysés
avec finesse et sans jugement excessif. La politique d'aménagement urbain de la
France depuis les années 1960 y est aussi disséquée et mise en question.
Clichy sous Bois - 2005
Les émeutes de 2005 qui
ont enflammé de nombreux quartiers de Banlieues en France pendant plus de 3
semaines n’ont pas apporté de réflexions globales. La colère est toujours
présente. Celle-ci liée à la violence sociale, la précarité et la conjoncture économique, n’ont pas
permis d’apaiser ces quartiers dits « sensibles ».
Il s’est ajouté
aussi un fort relent raciste d’une partie de la population, car ces quartiers
abritent de fortes populations musulmanes. L’article du Huffington Post du 16
mars 2015, intitulé «Dix ans après les émeutes de 2005, où est passée la colère
des banlieues », illustre cette réflexion
>>> Lien en cliquant ici <<<
Patrouille de Colomiers en Haute Garonne
De même, les policiers
affectés à ces quartiers dits « sensibles » sortent souvent d’école
de police, donc jeunes policiers et sont affectés là, sans une connaissance de
l’histoire du quartier et de ses habitants. Ou bien des renforts de CRS temporaires suite à un cas précédent d'arrestations difficiles ou de règlements de compte... Leurs missions étant de montrer une présence, d’assurer la sécurité
des biens et des personnes, faire avancer des enquêtes, et d’assurer la tranquillité publique…
On peut découvrir, en cliquant ici, une analyse liée sur les émeutes de 2005 sur
« La montée de la violence chez les jeunes et le phénomène de violences
urbaines dans les Banlieues », avec une conclusion pointant du doigt le
sentiment d’exclusion sociale mais aussi le rôle de la médiatisation dans ces
violences qui sont toujours d'actualité.
De même une étude de 2011
de l’OMS (l’Organisation Mondiale de la Santé) avait présenté des indications
sur la violence juvénile
Voici quelques
extraits :
« Il y a des liens
étroits entre la violence des jeunes et d’autres formes de violence. Les jeunes
violents commettent fréquemment toute une série de délits et manifestent
d’autres problèmes sociaux et psychologiques »
" Facteurs individuels "
Les principaux facteurs
liés à la personnalité et au comportement que l’on peut associer à la violence
chez les jeunes sont les suivants :
- l’hyperactivité - l’impulsivité - une maîtrise insuffisante
de soi - des problèmes d’attention - des antécédents de comportement agressif - un faible
niveau d’éducation. - Influence de la famille
et des camarades. »
" Facteurs
sociaux, politiques et culturels "
Les bandes constituent un
puissant ferment de la violence
chez les jeunes.
La faiblesse des liens
sociaux dans la communauté s’associe également à une fréquence accrue de la
violence des jeunes.
L’administration du pays,
sa législation et les moyens mis en œuvre pour l’appliquer, ainsi que sa
politique sociale, ont un effet important sur la violence.
Des facteurs comme
l’inégalité des revenus, l’évolution rapide de la démographie dans les
populations jeunes et l’urbanisation ont été liés au développement de la violence chez les jeunes.
Les cultures qui ne
proposent pas de solutions non violentes pour résoudre les conflits semblent
connaître une fréquence plus élevée de la violence chez les jeunes. »
Une police plus proche,
patrouillant toujours dans le même secteur, avec les mêmes policiers
volontaires, accompagnés de temps en temps avec des acteurs sociaux, connaissant
l’histoire du quartier et de ses habitants, avec des formations sur le
relationnel, les Procédés Neuro-linguistiques, la connaissance sur la violence
juvénile, avec un respect réciproque, et aussi avec plus de représentativité
ethnique peuvent être des solutions pour une meilleure relation entre police et jeunes de ces quartiers.
Grigny 10/07/16
On peut constater que les violences urbaines sont plus souvent en zone "Police"
qu’en zone "Gendarmerie".
qu’en zone "Gendarmerie".
En effet, les zones "police" s’occupent de grandes villes
ainsi que de leurs grands ensembles.
ainsi que de leurs grands ensembles.
Gendarmes sur un marché de la ville de Chateaubriand
Les zones "gendarmerie" se trouvent dans des petites et moyennes villes, avec des brigades locales (type de commissariat de police où les logements des gendarmes se trouvent avec leurs familles).
Les gendarmes de ces Brigades sont plus souvent en contact avec la population et connaissent la délinquance juvénile locale. Elle possède aussi, dans des villes moyennes, des quartiers dits « sensibles ».
Les gendarmes de ces Brigades sont plus souvent en contact avec la population et connaissent la délinquance juvénile locale. Elle possède aussi, dans des villes moyennes, des quartiers dits « sensibles ».
Beaumont sur Oise, le 19/07/2016
Avec la mort d’Adama Traoré et les émeutes qui s’en sont suivies, et pourtant en zone "gendarmerie", cette situation a démontré qu’une intervention d’une unité extérieure à la Brigade locale, en l’occurrence un PSIG (Peloton de Sécurité et d’Intervention de la Gendarmerie, unité chargée de renforcer sur le terrain les brigades surtout la nuit et par la recherche du Flagrant délit) peut faire dégénérer une situation qui pourtant à l’air sous contrôle.
Lien sur les 5 nuits d’insurrection
avec des policiers et gendarmes blessés par balle
en cliquant ci-dessous :
Vidéo de l'interview d'Alain BAUER le 29/06/2023
Voici un interview de Alain BAUER, Criminologue au CNAM, expliquant la situation et les raisons de cet embrasement sur la Radio "Europe 1", entre autre sur "l'habitude et celui du rapport de Force de la violence pour traiter des problèmes de société. Pour lui, la France est un pays qui ne connait pas la négociation, ni la discussion, donc tout est rapport de force. C'est l'idée que seule la violence permet à l'Etat de discuter et que mieux vaut des vitrines brisées qu'une vie brisée..."
Il parle également de "la
problématique de la confrontation, car pour une partie qui veut en
découdre, la Police, les Services publics, l'Ordre Républicain, ce n'est
pas l'Ordre Républicain, c'est une autre bande... Il y a un conflit
territorial du contrôle des espaces et du territoire à partir d'un
évènement qui l'a généré."